Swing pour la Planète

Pouvez-vous nous parler du début de votre carrière et de ce projet, une anecdote, un déclic qui vous a poussé à vous lancer ?

Parler de carrière serait un peu démesuré, disons plutôt que mon rêve d’enfant s’est transformé en passion, avant de devenir une toute petite réalité. Jusqu’au bac je voulais être rock star ou musicien dans un big band. Ma mère voulait que j’ai un « vrai » métier ; je me suis donc mis en tête de faire une maitrise en maths / physique /chimie pour ensuite intégrer une école d’ingénieur et devenir ingénieur du son. Dans ma tête, le parcours était tout tracé : j’apprenais le métier, je développais mon réseau tout en préparant mes compositions ; il ne me restait alors plus qu’à me lancer dans la musique. J’ai foncé dans cette direction rempli d’un optimisme débordant ! Sauf qu’une fois à l’université j’ai très vite compris que ce n’était ni des maths, ni de la chimie ni de la physique que je voulais faire, mais bien de la musique. J’ai ensuite pris une autre direction en faisant des études de commerce et en ne considérant plus la musique que comme un loisir, ce qui m’a néanmoins permis de vivre des expériences très enrichissantes, que ce soit au travers d’enregistrements en studio, de concerts, de représentations en piano bar ou encore en composant et en écrivant des chansons. Ma carrière professionnelle (marketing, conseil en stratégie, transformation d’entreprise) a vite pris le dessus et j’en étais bien heureux jusqu’à ce que je m’intéresse à l’écologie, à la biodiversité, au changement climatique et aux nombreux autres problèmes auxquels nous sommes confrontés ; à ce moment-là j’ai réalisé que le fruit de mon travail contribuait à ces problèmes et je me suis trouvé face à une forte dissonance cognitive. Il fallait que je fasse quelque chose, que j’œuvre d’une façon ou d’une autre à un monde meilleur. L’idée m’est alors venue de faire un album musical écoresponsable en joignant l’utile à l’agréable ; combiner mes qualités professionnelles et ma passion pour la musique, et les mettre au service d’un engagement qui ait du sens. Ce projet d’album « Swing pour la planète » est né à Prague où nous habitons.

Comment se passent vos répétitions et enregistrements ? (Lieu, durée, travail en équipe)

Prenons le cas de “Swing pour la planète”. Nous avons eu la chance de travailler avec des musiciens exceptionnels, The Track Inspection, et leur band leader (Jan Andr) est également le directeur artistique de l’album. Il a préparé les partitions pour les musiciens et nous les avons revues ensemble, chanson par chanson. Nous n’avons eu que deux répétitions ; répéter avec des professionnels aguerris qui se connaissent et qui ont l’habitude de jouer ensemble nous a beaucoup aidés. Au-delà de leur talent il y avait un véritable esprit de corps, et il en est ressorti une même couleur musicale tout au long de notre album bien que les chansons soient dans des styles très différents. Nous avons ensuite enregistré aux studios Sono Records, à une demi-heure de Prague ; c’est un des meilleurs studios d’Europe qui a eu le privilège de travailler avec David Bowie, Joss Stone, Nazareth, les Gipsy Kings ou Julian Lennon pour n’en citer que quelques-uns. Ce sont aussi des studios où l’orchestre symphonique de Prague ou bien des chanteurs et musiciens connus en République tchèque ont enregistré. Leur équipement est impressionnant et les ingénieurs du son avec qui nous avons travaillés (Adam Karlik et Marcel Gabriel) sont juste super doués ! Nous avons commencé par l’enregistrement des instruments avec voix témoin ; cela a duré trois jours. Puis il y a eu une phase d’édition et de pré-mixage de la partie instrumentale avant d’enregistrer ma voix et celle de Naomi sous la direction de notre coach vocal Veronika Vitova ; cela a duré trois jours également et a sans doute été l’étape la plus difficile car Naomi avait une bronchite, et moi je cumulais angine, otite et bronchite… avec aucune possibilité de remettre l’enregistrement des voix à plus tard. Je vous laisse imaginer le stress ! J’espère que cela ne s’est pas trop entendu. J’ai aussi passé beaucoup de temps sur le mixage car je souhaitais une compréhension limpide des paroles et c’était compliqué pour les ingénieurs du son qui ne parlaient pas le français de trouver le bon équilibre. Une fois les versions longues de l’album finalisées, nous avons travaillé sur les versions courtes pour les passages en radio.

Faites-vous du live ? Comment cela se passe-t-il ? Avez-vous un agent ou contrat de tourneur/booking

Hormis pendant la période du Covid, nous avons fait du live, principalement dans des jazz clubs et uniquement des reprises ; soit du pop rock, soit du jazz. A chaque live notre préparation a demandé deux ou trois répétitions ; en général je m’occupe de l’organisation, des arrangements, des partitions et on se met d’accord sur les orchestrations et le déroulé du live au fur et à mesure que l’on répète. Nous n’avons pas encore fait de live pour promouvoir notre album ; on aimerait bien mais il est encore un peu tôt, et puis nous sommes en mode « autofinancement » et un concert c’est un investissement important… mais petit à petit l’oiseau fera son nid. Bien que je dispose d’une expertise en marketing et d’une forte expérience dans le lancement et la gestion des marques, j’étais un néophyte en matière de promotion musicale; et quand on ne sait pas faire, il faut laisser faire ceux qui savent. J’ai donc engagé un promoteur, Média Music Consulting, pour promouvoir notre album et deux singles afin de nous assurer d’un minimum de visibilité et de notoriété. La traction n’est pas encore au rendez-vous ; on m’a dit qu’il fallait être patient :) Mais si des tourneurs ou des bookeurs sont intéressés à nous aider, qu’ils n’hésitent surtout pas à nous contacter !

Quelle est votre prochaine actualité ? Des choses à venir pour FROGS AND FRIENDS ?

Pour l’instant nous allons continuer à pousser les chansons individuellement, à promouvoir la thématique de l’album auprès d’influenceurs et des medias investis dans l’écoresponsabilité, et commencer à construire une base de fans en ligne. Sortir du lot face à la myriade de créateurs et du nombre insensé de nouvelles œuvres quotidiennes est un véritable défi. Tout d’abord cela demande des moyens que les majors ont mais pas nécessairement des artistes indépendants comme nous, et cela est aussi très chronophage. J’ai quitté mon job pour me remettre aux études et passer un master en développement durable et en bio-économie circulaire ; cela me prend beaucoup de temps. Il faut aussi que je travaille mon chant régulièrement (c’est ça les sportifs :) et cela me laisse donc peu de temps à consacrer à la promotion de notre groupe et à celle de notre album. La prochaine étape est un concert que j’organise à Prague pour la fête de la musique ; chanter sur scène me manque vraiment beaucoup ! Ce sera un concert de deux heures avec en première partie des reprises de chansons françaises et en seconde partie un set de standards de jazz auquel sera convié la communauté de danse swing locale. Le concert sera publié sur notre chaîne YouTube un peu plus tard, si cela intéresse vos lecteurs.

Avez-vous un label ? Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune talent pour en trouver un?

En tant qu’autoentrepreneur j’ai mon propre label ; les labels ont toujours une certaine importance dans la profession, mais signer avec un label est devenu moins primordial que de connaitre les rouages de la profession. Je suis le producteur de notre album et j’en suis aussi l’éditeur. Cela m’a permis de découvrir des métiers très importants dans la musique, ce qui peut être utile lorsque l’on débute.

Mon premier conseil serait de ne jamais se décourager, de ne jamais lâcher prise. L’industrie musicale est très complexe et c’est aussi une jungle où prévaut l’intérêt des grosses maisons de production ou des labels qui ont pignon sur rue, et pour qui entretenir le flou artistique est malheureusement une opportunité de préserver leur pré carré. A ceci s’ajoute l’imprédictibilité du succès ; la pléthore de nouveaux titres et artistes rend le succès très difficile sans moyens promotionnels importants. Souvent les maisons de production adoptent la même stratégie que les fonds d’investissement avec les start-ups, en sélectionnant une dizaine d’artistes (sur les centaines ou plus qui les contactent) parmi lesquels elles espèrent trouver la pépite qui fera un maximum de ventes. Cela laisse beaucoup d’artistes extrêmement talentueux dans l’anonymat le plus complet, régulièrement au profit de productions musicales sans réelle valeur ajoutée sur un plan culturel ou artistique, car trop souvent nivelées par le bas. On s’en rend compte tous les jours parce que tout se ressemble de plus en plus, et cela peut décourager ; d’autant plus qu’avant de percer, il peut se passer beaucoup de temps. Il faut donc toujours garder espoir.

Mon second conseil serait non pas de chercher un label mais plutôt d’utiliser le temps et l’énergie nécessaire à cette recherche pour s’investir dans son développement personnel ; en se familiarisant avec le digital et les opportunités qu’il apporte, en essayant de sortir des sentiers battus avec des initiatives créatives qui ne sont pas suffisamment main stream pour être adoptées par des grosses maisons de production, et en considérant la musique comme un entrepreneur considère sa boîte : c’est-à-dire son gagne-pain. C’est en quelque sorte une redéfinition du métier d’artiste (indépendant) pour qui créer ne suffit plus. Il faut aussi à présent savoir promouvoir son travail et le vendre. C’est une logique qui s’applique de plus en plus à l’art et à la culture, pas seulement à la musique.

Avec Internet, les talents ont aujourd’hui une grande liberté pour se faire découvrir

Effectivement, et d’un côté c’est génial parce que cela donne à des talents la possibilité de pouvoir s’exprimer et de se faire connaître facilement à moindre coût. C’est en quelque sorte un vecteur de démocratisation artistique qui permet au plus grand nombre d’avoir une chance de vivre leur passion, d’en faire leur métier, ou simplement de partager leurs créations. Donc oui, de ce côté-là c’est vraiment super ! Le revers de la médaille c’est que cela se traduit par une pollution digitale, j’entends par là un trop plein au sein duquel il devient difficile – voire impossible – d’émerger, sauf en investissant massivement en publicité, en moyens publi-promotionnels ou en faisant beaucoup de tournées. Tous les jours les plateformes de streaming diffusent plus ou moins 100,000 nouveaux titres, soit à peu près un nouveau titre par seconde. Et tous les jours, les français.e.s. regardent plus de 70 millions de vidéos de musique sur YouTube… ça fait beaucoup :) Certes l’Internet représente une opportunité, mais la liberté d’être découvert doit s’accompagner d’une connaissance de l’univers digital et d’un minimum de compétences pour l’utiliser à son avantage.

Que pensez-vous des artistes qui faussent leurs stats en achetant des vues ou des streaming ?

C’est terrible et c’est malsain. C’est terrible car les royalties payées par les plateformes de streaming sont reversées à des artistes dont l’audience n’est pas réelle, et cela se fait aux dépends des artistes qui font confiance aux plateformes de streaming pour assurer un paiement juste et équitable ; cela les lèse car ils dépendent souvent de leur créativité et de leur travail pour vivre.

C’est malsain car cela discrédite la notion des droits d’auteurs et remet fortement en question la transparence de la rémunération du streaming (qui est déjà suffisamment opaque). Le problème c’est que les plateformes de streaming ne sont pas contraintes, à contrario de YouTube dont le mode opératoire est différent. Il y a quelques années le « click farming » était fortement développé sur YouTube alors que son business model est construit sur la mesure d’audience exposée à la publicité. Plus il y avait de trafic (souvent fictif), plus YouTube devait reverser une partie de ses propres revenus selon les statistiques de vues, ce qui avait un impact négatif sur sa profitabilité. YouTube a donc décidé d’investir dans des technologies permettant d’identifier (et de contrer) l’achat de clicks… par obligation économique. Les plateformes de streaming n’ont pas cette obligation : elles ne paient pas davantage les artistes en fonction du nombre de streams, elles se contentent de répartir différemment la même part du gâteau en fonction des statistiques (au profit des stats les plus hautes), et ce que les écoutes soient réelles ou non. Tant que cela ne nuit pas à leur fond de commerce, il y a peu de chances pour que ça change. J’ai entendu dire que la SACEM voulait se saisir du sujet, j’espère que c’est le cas et que cela va changer la donne.

Devenir célèbre, un objectif ou aboutissement selon vous?

On a certainement tous et toutes envie de devenir une star, d’être célèbre, de réussir, d’arriver au bout de nos ambitions, de vivre nos rêves… Cela peut être une de nos motivations mais cela ne doit pas être un objectif. En ce qui concerne les Frogs & Friends, notre objectif n’est pas de devenir célèbre mais de toucher le plus grand nombre de personnes avec notre musique et nos messages, d’éveiller leur conscience autant que faire se peut et de les encourager à prendre davantage d’initiatives écoresponsables, pour le bien de la terre et des générations futures. Et notre aboutissement ne sera pas non plus de devenir célèbre mais plutôt d’apporter notre pierre à l’édifice d’un monde meilleur, d’être un acteur du changement culturel et comportemental au travers d’une modeste contribution : notre album. Ça serait un aboutissement phénoménal ! Si dans la foulée on devient célèbre, c’est la cerise sur le gâteau.